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Ça suffit, les secrets!

— A propos de «Acta non verba», note de Catherine Tuil-Cohen pour ©PuntoLatino. Locarno août 2017.
C’est le titre du documentaire suisso-britannique du jeune réalisateur (mais également scénariste-caméraman) Yvann Yagchi, venu présenter son premier film, sélectionné hors concours au festival de Locarno les 11 et 12 août dernier, devant un public chaleureux et nombreux. Yvann Yagchi a répondu à nos questions.

 

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Mon père m’a volé la vedette!
L’histoire commence en Suisse à Isone chez les grenadiers, le corps d’élite de l’armée où son père a tenu à faire son service militaire. C’est la première image. Yvann couché au sol, filme la compagnie qui défile, puis incruste une photo de son père en treillis, souriant, heureux. Ses yeux bleus, son sourire craquant. Puis on voit la promotion 2012 de l’école de cinéma de Bruxelles. Le jour de la remise à Yvann Yagchi de son diplôme, son père lui a volé la vedette. Michel Yagchi, profitant de l’absence de sa famille, s’est tiré une balle dans la bouche au sous-sol de leur maison à Genève avec son pistolet d’officier suisse. Sans donner d’explication.

 

Le casse-tête des suicides
La deuxième image, brutale, est celle d’un cadavre à la morgue de l’hôpital de Genève en train d’être autopsié par la femme médecin qu’Yvann interroge. Il y a deux suicidés par mois qui passent dans cette morgue. Beaucoup.
Le sujet touche en plein cœur. D’abord il pose des questions sur le suicide. Qu’est-ce qui a poussé un homme dans la soixantaine, qui avait tout apparemment pour être heureux, réussite, famille, à se suicider? Personne n’a rien vu venir. Sans pathos, avec humour, cette enquête policière progresse de coups de théâtre en coups de théâtre.

 

17tuil catherina250x188Filmer pour survivre
— Yvann Yagchi: «D’abord je n’ai pas été triste mais plein de rage devant cet abandon et cette trahison. Sous le choc, j’ai saisi ma caméra et j’ai commence à filmer autour de moi. De 2012 à 2017 j’ai accumulé 100 heures de rushes, et je rends hommage à ma monteuse Aurora Voegeli qui a donné un fil rouge à tout cela. Nous avons passé un an à nous disputer au sujet du montage et à la fin, nous sommes tombés amoureux. Je regrette son absence à Locarno pour cause de maladie, car sans elle ce film n’aurait pas été possible.»
D’abord compulsivement sans savoir pourquoi, il filme les paysages des lieux où son père a vécu – Abu Dabi, Irak, Tessin, Genève. Mais très vite, le sujet délicat est affronté directement, les gens sont cadrés serrés. Et interrogés sans détour. Difficile pour eux de se dérober. Les rumeurs propagées sont révélées et investiguées. [Foto: Catherine Tuil-Cohen et Rudy, mère de Yvanne].

 

Une famille comme une autre
La famille du défunt apparaît très soudée. Yvann, le fils aîné dont on entend la voix off est âgé d’une trentaine d’années. Jo, son jeune frère a arrêté de travailler dans la banque de son père. Sa petite sœur Yasmine raconte sa relation très proche à leur père: «Il me disai : -Tu sais avec ta mère, il y a des hauts et des bas ! Et je répondais
- Papouch, j’ai treize ans! qu’est-ce que je peux dire? Quitte-la! Mais ne me demande pas.»
La femme de Michel, Rudy, crève l’écran, filmée dans l’intimité du foyer, cigarette aux doigts à la cuisine, remarquable de naturel et de bon sens. Yvann montre aussi sa grand-mère sur des images anciennes, elle qui parlait sans cesse de se suicider, il évoque la dureté et l’immoralité du grand-père mort, puis les amis, fidèles ou pas. Les femmes d’abord, la tante chérie d’Yvann qui évoque leur jeunesse. Y aurait-il un enfant caché? Des avocats véreux? Yvann affronte la réalité au bout de sa caméra. Un chantage a été exercé sur Michel Yagchi, le poussant au suicide. Des coups de fil enregistrés, ressort la peur que sa double vie soit dévoilée à sa femme.

 

Un portrait sensible
Chaque fois une nouvelle piste apporte une explication. La personnalité complexe du père, véritable personnage hors du commun, se montre attachante. Le caractère d’Yvann Yagchi dans le rôle du détective, apparaît de plus en plus, il filme ses cauchemars, des reconstitutions. Par sa ténacité, par sa capacité à faire parler les gens, à les mettre en confiance il permet de voir une image naturelle de l’entourage du défunt, originaire d’Irak mais devenu tellement suisse. Il transforme en œuvre d’art l’émotion brute, la sienne et celle de sa famille.


— Yvann Yagchi, ne pensez-vous pas que, plus qu’un film sur le suicide, vous avez réalisé un film sur les liens familiaux?
— Oui, si vous le voyez comme ça. Chacun trouve dans ce film autre chose.

 

Le mystère demeure
La mort dévoile les secrets d’une personne, les tabous tombent... Ce qui contredit la devise en latin que Michel Yagchi a fait inscrire sur sa tombe trois mois avant en lettres capitales. Ce film est porteur d’une parole humaine qui redonne sens aux actes. Et cette parole est libératrice. Mais le mystère de la personne demeure. Bref, il faut absolument aller voir «Acta non verba».

 

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A Locarno: Yasmine (sœur d'yvanne), le régisseur Yvanne Yagchi avec un ami et Rudy, la mère de Yvanne.

  

«Acta non Verba», 62 mn Documentaire Suisse, Grande-Bretagne · 2017 réalisation Yvann Yagchi
Fuori concorso · DCP · Couleurs · 65' · o.v. French/English/German

Le 6 octobre 2012 vers minuit, le banquier suisse Michel Yagchi se suicidait dans le sous-sol de sa maison de Genève. Ce soir là, toute sa famille était à l’étranger, en voyage à Bruxelles pour assister à la remise de diplôme du fils aîné, Yvann. Trois ans plus tard, Yvann décidait d’enquêter sur le mystérieux suicide de son père et interrogeait simultanément sa famille et les amis et collègues de son père [Locarno]


 

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